ENJEUX ENERGETIQUES EN AFRIQUE
La question de l’énergie en Afrique est porteuse d’une forte contradiction : d’une part le continent est un grand producteur de ressources énergétiques, notamment d’hydrocarbures, et joue de ce fait un rôle important dans le marché mondialisé des sources d’énergie ; d’autre part il reste, avec l’Asie du Sud, celui où la consommation d’énergie est la plus faible (0,7 tonnes équivalent pétrole par habitant par an en Afrique subsaharienne), ce qui est un indicateur parmi d’autres du mal-développement. Enjeux économiques ; social et environnemental se cumulent en la matière.
L’exploitation des sources d’énergie essentiellement les hydrocarbures, est une composante importante des mutations que connaissent les activités extractives en Afrique. Si les pays du golfe de Guinée exploitent cette ressource de longue date, la croissance de la demande mondiale, ainsi que la diffusion de nouvelles techniques de production notamment offshore, ont considérablement renforcé la place de ce bassin de production dans le monde. Certains territoires sont profondément marqués par cette exploitation pétrolière ; comme c’est le cas du delta du Niger au Nigéria. C’est là que se concentrent les plus grandes réserves prouvées de pétrole du continent hors Maghreb, avec 31.7 milliards de barils en 2016, selon la British petroleum, et une production de plus de 2millions de barils par jour. Ici l’exploitation est relativement ancienne, mais elle connaît de nouveaux prolongements sur le plateau continental. Une telle spécialisation régionale est source de tensions : tensions géopolitiques, sur les limites des zones économiques exclusives (ZEE) et sur le partage des zones d’exploitation offshore ; tensions politiques nationales, posant la question des retombées locales d’une exploitation fonctionnant essentiellement en enclave ; comme l’attaque du groupe armé vengeurs du delta du Niger ; conflits entre les trois grandes communautés habitants le delta (les Yoroubas, les Peuls-Haoussas, et les Ibos) pour la répartition des subsides ; tensions environnementales enfin, les effets destructeurs des pollutions pétrolières sur la mangrove et les poissons, dus autant à l’exploitation officielle qu’à l’importante exploitation clandestines, étant régulièrement dénoncées. En outre, en 2015, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estimait à 55 ans l’espérance de vie moyenne des Nigérians, âge qui tombe à 40 ans dans tout le delta du Niger. Sans citer les autres pays subsahariens, le Nigéria à lui seul illustre les contradictions de la question énergétique en Afrique ; premier producteur de pétrole du continent, le pays est en effet contraint d’importer des produits raffinés, faute de pouvoir procéder à leur transformation sur place. Les choses changent et de nouvelles raffineries sont en construction grâce notamment à des financements chinois ; mais le retard est long à combler.
La faible consommation d’énergie en Afrique repose à la fois sur une demande faible et sur une offre faible. La multiplication des délestages électriques est la meilleure illustration de la faiblesse de l’offre et de son incapacité à répondre à une demande croissante. C’est particulièrement visible en Afrique du Sud, pourtant le pays d’Afrique subsaharienne le mieux équipé ; alors que dans certains pays, l’offre défaillante peut venir d’un sous-équipement structurel, dans ce cas précis c’est la faible capacité des principaux groupes nationaux de production d’électricité, à assurer une adaptation constante aux changements et à la croissance de la demande qui en est la cause. Partout en Afrique subsaharienne, la question électrique est devenue une question majeure, associant production (avec le renouveau des projets hydroélectriques un temps abandonné), distribution (notamment via d’amples projets d’interconnexion des réseaux) et commercialisation (via la mise en place de dispositifs permettant à l’ensemble des consommateurs potentiels, y compris les plus pauvres d’y avoir accès.
Mais la principale ressource énergétique utilisée dans les campagnes, et de façon non négligeable dans les villes, reste le bois, sous différentes formes, brut ou en charbon. Essentielle à la majorité de la population cette ressource engendre une activité économique importante dans les espaces ruraux, associant bûcherons, charbonniers, commerçants et transporteurs. Comme en témoignent ces femmes vendant leur charbon dans différents marchés, aux bords des routes, cette activité informelle est essentielle à la survie de ce qu’elle implique. Elle ne va toutefois pas sans poser de graves problèmes environnementaux et contribue à la déforestation. Dans les zones sahéliennes, les prélèvements importants sont l’un des facteurs des processus de désertification actuelle. Cette problématique conduit à se poser la question de la capacité des pays africains à faire face à une double transition énergétique ; celle d’une croissance forte de la demande et celle de la nécessité de produire une énergie verte. Les ressources sont là (ensoleillement, vent, cours d’eau…), mais les investissements manquent.